Sante/France :Trois conditions pour réussir le déconfinement
La France aborde avec une extrême précaution la phase la plus délicate de la gestion de la crise sanitaire. Trois conditions sont essentielles à son succès. Si, depuis le discours présidentiel du 13 avril, certains nourrissaient encore l’espoir d’un retour rapide à la vie normale, Edouard Philippe s’est chargé, mardi 28 avril, de doucher leur attente. L’opération déconfinement, dont le premier ministre a dévoilé les grandes lignes à l’Assemblée nationale, reste soumise à toute une série de conditions qui font peser sur son déclenchement même une forte incertitude : dans le cas où l’épidémie ne serait pas suffisamment circonscrite quelques jours plus tôt, la date du 11 mai pourrait être remise en question. Et, si elle est respectée, elle ne débouchera, au moins jusqu’au 2 juin, que sur un régime très contraint, une période de « semi-liberté », durant laquelle les déplacements au-delà de 100 km resteront soumis à autorisation, et la reprise d’activité sera subordonnée à de multiples validations, variables d’un département à l’autre. Comme de nombreux autres pays, la France entre, avec une extrême précaution, dans la phase la plus délicate de la gestion de la crise du Covid-19. Celle-ci consiste à assurer les conditions minimales d’un retour à la normale tout en évitant un ressaut de l’épidémie qui conduirait à saturer le système de soins et obligerait à confiner de nouveau. La prise de risque est réelle, mais ne pas la tenter condamnerait le pays, en raison des dégâts causés par un enfermement trop long à ses citoyens et à son état général, à un drame social et économique dont il aurait le plus grand mal à se relever. Il faut donc réussir l’opération déconfinement. Cela suppose trois conditions. Appel à la responsabilité La première serait que l’Etat soit en mesure de tenir ses promesses, autrement dit que les masques, les tests et les équipes chargées de maîtriser la propagation du virus soient en nombre suffisant. La stratégie arrêtée vise en effet à protéger et à tester de façon massive afin de pouvoir repérer les malades et les isoler rapidement, en remontant la chaîne de contagion. Elle colle autant que possible aux recommandations du conseil scientifique, mais suppose, pour réussir, que tous les moyens soient simultanément mobilisés. Le défi est réel, car, depuis le début de la crise, la pénurie de masques alimente une défiance dont l’exécutif a le plus grand mal à se départir. Il ne peut rater le rendez-vous du 11 mai. Le déconfinement, cependant, oblige un autre acteur essentiel : l’élu local, et c’est la seconde condition. Depuis 2017, celui-ci a souvent été en désaccord avec le pouvoir central, mais l’hétérogénéité de la contagion fait de lui un codécideur incontournable, notamment pour gérer la reprise très progressive de la vie scolaire – l’un des éléments les plus polémiques du déconfinement. La propension de l’opposition à critiquer ou à pratiquer l’art de la défausse montre que le pari n’est pas encore tout à fait gagné. Le troisième acteur est le citoyen lui-même, auquel l’Etat a choisi de déléguer une part de la responsabilité sanitaire, et c’est une condition essentielle : il revient au bien-portant de prendre toutes les précautions au regard de sa propre santé, mais aussi de celle des autres ; il revient au malade, une fois testé, de choisir son mode de confinement et de s’y tenir. Là encore, c’est une gageure, car, si la grande inquiétude de la population devrait l’inciter à la prudence, l’appel à la responsabilité est, en France, moins naturel que dans les pays de tradition protestante. Pour le pays tout entier, l’opération déconfinement consiste aussi à ne pas tout attendre de l’Etat.