Etudes France/Pourquoi les élèves français sont-ils si mauvais en maths?
INTERVIEW - Selon l’étude TIMSS, le niveau en mathématiques des élèves français de CM1 et 4e est déplorable. Pour Rémi Chautard, enseignant, il y a d’abord une défaillance des programmes. En cours de maths, les élèves français ont enfilé leurs bonnets d’âne. D’après l’étude internationale TIMSS 2019 parue ce mardi 8 décembre, les enfants en classe de CM1 arrivent derniers parmi les pays de l’Union européenne et de l’OCDE. Les élèves de quatrième se hissent difficilement quant à eux sur l’avant dernière marche du classement. Avec de tels résultats, ces collégiens ont à peine le niveau d’élèves de cinquième. Le Figaro Étudiant a interrogé Rémi Chautard, professeur de mathématiques à la Légion d’Honneur. Rémi CHAUTARD - Je pense d’abord qu’il y a une défaillance des programmes. Par exemple, quand j’ai regardé dans le manuel d’un de mes enfants en classe de CM1, la définition notée dans son manuel concernant les fractions, je me suis rendu compte qu’elle était incompréhensible et fausse. Donc je m’interroge sur la compétence de ceux qui composent les programmes et leurs contenus. Et à l’école primaire, les mathématiques peuvent être mal enseignées car il y a peu de professeurs des écoles diplômés de cette filière. Pourquoi en va-t-il de même pour les collégiens, qui eux ont des professeurs spécialisés en maths? Je suis certain qu’il y a un problème de recrutement des enseignants. Dans le secondaire, pour devenir enseignant de mathématiques, il faut présenter la validation d’un bac +5. Si l’on a un master 2 en maths, on a accès à plusieurs métiers dans le domaine de la finance, des banques ou de l’informatique, qui rémunèrent beaucoup plus que l’enseignement. Un premier salaire de professeur de maths offre 1300 euros. L’attractivité du métier est clairement à remettre en question. Et elle s’explique par des chiffres: quand j’ai passé mon Capes en 2004, nous étions 5000 candidats pour 1000 postes. Aujourd’hui, il y a 1000 candidats pour 1000 postes. En réalité, ceux qui deviennent professeurs de maths aujourd’hui ne sont pas les meilleurs. Faut-il changer les méthodes d’apprentissage pour élever le niveau des élèves? La lecture et l’écriture sont des moyens d’appropriation des connaissances et de développement cognitif, et doivent être davantage pratiquées par les enfants, même pour les maths. L’Education nationale a voulu beaucoup investir dans les TICE, les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement, notamment avec l’achat de tablettes. Mais l’écriture ne peut pas être remplacée par un site internet sur lequel l’élève doit cocher des cases. Il y a des efforts qui sont faits pour améliorer la pédagogie, mais dans le mauvais sens. Le niveau des élèves était-il meilleur il y a quelques années? Les exigences disciplinaires avant l’arrivée des bacs S, L et ES, donc avant 1995, étaient plus ambitieuses. Mais à cette époque, davantage d’élèves échouaient au bac, aussi. À chaque nouvelle réforme, les ambitions régressent. Au lycée, avec la réforme du bac, des parents d’élèves s’interrogeaient sur la baisse du volume horaire des maths en première, passant à quatre heures au lieu de six à l’époque du bac S. C’est le problème lorsque l’on a un enseignement moins coûteux: il est aussi moins bon. Nos élèves peuvent-ils ces prochaines années inverser la tendance et redevenir bons en maths? J’y œuvre quotidiennement, mais je n’y crois pas, j’ai peu d’espoir. Jusqu’au bac, je crois que le niveau des Français en mathématiques est faible. Nous sommes pourtant excellents en recherche aujourd’hui et depuis toujours. Je suis désabusé et un peu honteux de la situation, mais en même temps elle ne m’étonne pas.