Education/Déconfinement : les lycéens allemands passent leur bac d'abord
Malgré la crise du coronavirus, l'Allemagne a décidé de maintenir les épreuves de l'Abitur, l'équivalent du bac. Certains élèves sont inquiets. C'est le branle-bas de combat à la Sophie-Scholl-Schule. Après des semaines de débats, les ministres de l'Éducation des 16 Länder allemands ont fini par décider d'une seule voix que, coronavirus ou pas, l'Abitur (le bac allemand) ne serait ni reporté ni annulé. Cent trente élèves sont donc convoqués à partir de demain (mardi) pour passer les épreuves dans cet établissement du quartier de Schöneberg à Berlin. La direction tente de faire face pour mettre en place des conditions d'hygiène optimales : les élèves seront convoqués les uns après les autres et n'entreront qu'au compte-gouttes dans l'établissement fermé depuis le 12 mars, après qu'un cas de coronavirus eut été signalé. Ils iront d'abord se laver les mains aux toilettes avant de les désinfecter aux distributeurs installés dans les couloirs. Ensuite, ils devront signer un document où ils certifieront sur l'honneur qu'au cours des 14 derniers jours ils n'ont pas été en contact avec un malade du coronavirus et qu'ils ne sont eux-mêmes pas infectés. Chaque salle de cours accueillera un maximum de huit élèves et un prof. Les tables ont été disposées en diagonale pour respecter la distance sanitaire entre les élèves. Si le port du masque est facultatif, il sera interdit de se prêter un stylo ou tout autre matériel et chacun emportera son propre sac-poubelle. « C'est un véritable défi logistique, explique Lars Ulrich, responsable des classes de l'Abitur. Nous avons fait de notre mieux, mais nous ne pouvons pas garantir la sécurité à 100 %. Les élèves peuvent s'infecter sur le chemin du lycée, par exemple. » « Je risque de mettre ma famille en danger » Pour Lennart, 18 ans, qui passe mercredi l'épreuve de biologie dans un autre lycée du quartier, cette situation n'est pas optimale : « En allant passer l'Abitur, je risque de mettre ma famille en danger, ma grand-mère, tout particulièrement, qui vient d'être opérée. Et, même si j'ai décidé de porter un masque, ce qui n'est pas évident pour se concentrer pendant cinq heures, cela ne veut pas dire que je suis protégé si mon voisin est infecté. » En Allemagne, l'éducation est du ressort des Länder, les régions. Mais, pour éviter une injuste disparité au moment de l'inscription à l'université, il a été décidé de s'en tenir à une ligne commune. Pendant des semaines, les ministres de l'Éducation des 16 Länder allemands ont pesé le pour et le contre. Si le Schleswig-Holstein, dans le nord de l'Allemagne, proposait d'annuler l'examen final et de ne tenir compte que des résultats du contrôle continu, qui en Allemagne comptabilise toutes les notes de première et de terminale, d'autres Länder, au contraire, avaient déjà commencé les épreuves du bac. Pas question donc de tout annuler. Pour Lennart, cette décision est absurde : « C'est à se demander si la politique n'a pas des questions plus urgentes à régler par les temps qui courent. Ça fait deux ans que je vais en cours et que je travaille. Mes notes du contrôle continu sont suffisantes pour témoigner de mon niveau. En plus, et je ne suis pas le seul, j'ai eu du mal à me concentrer pour réviser dans le climat de ces dernières semaines. Cette décision nous met encore plus sous pression. Les Français ont de la chance que le gouvernement ait tenu compte de cette situation d'urgence et annulé le bac 2020. » La mère psychologue d'un élève du lycée de Lennart a envoyé une lettre au directeur soulignant que la tenue des épreuves dans un tel climat anxiogène risquait d'avoir de graves conséquences psychiques sur les jeunes. Impossible, en outre, protestent les élèves et leurs parents, d'aller à la bibliothèque, de constituer un groupe de révision avec les copains ou de s'isoler dans l'appartement puisque toute la famille est là du matin au soir. La déléguée des élèves du lycée de Lennart a envoyé une lettre à la sénatrice berlinoise responsable des questions d'éducation : « Avec les notes obtenues à l'Abitur, nous devrons faire face à la concurrence tant sur le marché du travail que pour l'entrée à l'université (NDLR : conditionnée en Allemagne par un numerus clausus très strict). Certains ne pourront pas donner le meilleur d'eux-mêmes dans de telles conditions de stress. » Elle évoque les parents au chômage, l'inégalité des chances entre ceux qui ont une chambre à eux et un ordinateur à disposition. « Ces inégalités-là ne sont pas dues à la pandémie, corrige Lars Ulrich. Il ne faut pas oublier que, pour de nombreux élèves, l'examen final est une chance d'améliorer les notes obtenues lors du contrôle continu et d'avoir un meilleur Abitur en poche. » À Berlin, les épreuves vont avoir lieu jusqu'à la fin du mois de juin, avec les sessions de rattrapage pour ceux qui n'auront pas pu se rendre aux sessions régulières. Si la réouverture des collèges et des lycées se fera progressivement à partir du 4 mai, Lars Ulrich doute que la Sophie-Scholl-Schule puisse réaccueillir l'ensemble de ses 1 100 élèves avant les vacances d'été, qui commencent à la fin du mois de juin.